Côte d’Opale : le flobart aura-t-il droit au repêchage?

Partagé le 12/06/2022

Si la pratique de « la pêche au flobart » est devenue marginale, ce bateau au profil ventru reste emblématique du littoral boulonnais. Aujourd’hui, on ne compte plus qu’une soixantaine de flobarts, désormais dédiés à la plaisance. Des passionnés se battent contre sa disparition.

1) Tradition en voie de disparition

Tous les dix ans environ, une mystérieuse épave ressurgit sur la plage du Touquet. D’après ceux qui ont eu la chance de la voir, il s’agit d’un flobart du début du siècle dernier. Un fantôme qui réapparaît à la faveur des marées et des bancs de sable en mouvement : il n’y a pas de cimetière pour les flobarts.

L’histoire de ces embarcations ressemblant à des coquilles de noix se mêle pourtant à celle de la côte d’Opale. De Berck à Sangatte, leur ballet au large faisait partie du paysage. Ces bateaux d’échouage à la large proue étaient utilisés pour la pêche côtière, surtout à Wissant et Audresselles. Ils n’étaient pas faits pour la vitesse mais taillés sur-mesure pour cette côte particulière : sans port mais avec des plages abritées permettant d’échouer les bateaux (les tirer sur le rivage).

 

1900-1910  : l’âge d’or

S’il est peu répertorié dans la documentation navale, le flobart apparaît abondamment sur les cartes postales illustrées des années 1900 à 1910. C’est l’âge d’or de la pêche au flobart, qui a vu des familles wissantaises faire fortune. C’était avant l’arrivée des chalutiers labourant plus en profondeur et emmenant les marins toujours plus au large…

Dans la baie de Wissant, les flobarts sont devenus rares. Ceux qui restent – une soixantaine – sont désormais consacrés à la plaisance. Mais le spectacle de leur mise à l’eau à l’aide de tracteurs reste un spectacle pour les promeneurs.

Depuis plus de vingt ans, une cinquantaine de passionnés milite au sein de l’association Flobarts des 2 caps pour que ces embarcations retrouvent leur place sur la côte d’Opale, autrement qu’exposés le long de la départementale d’Audresselles… À sa tête, Vincent Delliaux, 39 ans, qui retape des bateaux depuis l’adolescence, le répète : « Un flobart doit flotter. Il n’est pas là pour servir de pot de fleurs. »

2) Relancer la pêche professionnelle ?

Fin mai, à Wissant, l’association a inauguré son Conservatoire du flobart. Deux ans que ces passionnés remuaient ciel et mer pour construire ce hangar en bois. À deux pas de la mer, il abrite une belle collection de 26 bateaux, parfois donnés par des propriétaires : « Les plus vieux étaient en bois d’orme. C’étaient des bateaux solides comme on n’en fait plus. Mais leur pire ennemi, c’est le dessèchement du soleil et du vent, explique Vincent Delliaux. La durée de vie de ces bateaux était souvent de moins de dix ans, à cause des contraintes de l’échouage. »

Le plus vieux conservé date de 1951. Le plus récent, Notre-Dame-des-mers, a 16 ans mais c’est la réplique d’un flobart à voiles de 1913. Ces bateaux mesuraient en moyenne 4 à 6 m. Mais il en existait de plus grands (jusqu’à 10 m), spécialisés dans la pêche du hareng, notamment à Berck, Étaples, Équihen et Wissant. « La diversité des flobarts s’est réduite avec la motorisation des années 50 », souligne Vincent Delliaux.

À 39 ans, ce passionné lui-même issu d’une famille de pêcheurs, a un rêve : « On espère relancer la pêche professionnelle à bord des flobarts à Wissant. »

Ce marin pêcheur avait fait ses armes sur des « usines des mers » avant de leur préférer le dernier ligneur boulonnais, aujourd’hui disparu. Pourtant Vincent Delliaux en est convaincu : « Une pêche sélective est plus que jamais viable dans la baie de Wissant où le poisson vient toujours s’abriter. Les flobarts permettent justement de pratiquer cette pêche plus économique et plus écologique. »

Il l’assure : « Si un jeune veut se lancer à Wissant, l’association le soutiendra… »

3) Un atout touristique sous-exploité ?

En attendant, l’association de flobarts se bat pour que cet emblème régional soit davantage mis en avant. Certes, certains flobarts connaissent déjà une seconde vie en tant qu’attractions touristiques : surnommés « les quilles en l’air », ils ont été reconvertis en gîtes insolites ou même en bar à bières (à l’hôtel de la Plage). « Mais pourquoi pas créer un musée vivant du flobart ? », souhaite le président de Flobarts des 2 Caps.

Lui rêve de voir les flobarts participer à toutes les fêtes locales, aux rassemblements de vieux gréements et aussi d’embarquer des curieux. Malgré un soutien financier local, son association doit faire appel au financement participatif pour terminer son Conservatoire – il manque 20 000 €. Elle en est persuadée : le flobart peut être un atout pour le développement touristique au-delà du Boulonnais.

La fête estivale des flobarts ne fait-elle pas, depuis plus de trente ans, le plein de curieux venus de toute la région ? Même sous l’orage et avec le pass sanitaire comme l’an dernier.

« Les flobarts ont tellement fait partie du paysage dans la région qu’on ne se rend même plus compte de leur richesse », estime Vincent Delliaux. À bord de son flobart, il lui arrive d’embarquer des familles pour un mariage ou une dispersion de cendres. Il l’assure : « La plupart ne sont pas des habitants du littoral, mais des gens de l’intérieur des terres pour qui le flobart reste aussi un symbole… »


A voir, à faire

-Le Conservatoire du flobart, rue Arlette-Davies à Wissant. Se visite le week-end et sur rendez-vous auprès de l’association Flobarts des 2 Caps. Tarif libre.

-La Maison du pêcheur, 2, rue Louis-Blanc à Wissant. Tous les jours, de 14 à 22 h (code à retirer à l’Hôtel de la Plage situé à 50 m : 03 21 35 91 87.

-33e fête des flobarts  : les samedi 27 et dimanche 28 août 2022 à Wissant (défilé, chants de marin, dégustations...). Office de Tourisme de La Terre des 2 Caps 03 21 82 48 00.

-Pour faire un don pour le Conservatoire : www.flobart.org/ et facebook.com/Flobartsdes2Caps/