On fait le point avec Nathan Legroux, du groupe ornithologique et naturaliste du Nord – Pas-de-Calais.
Qu’est-ce que la Mouette tridactyle et comment la reconnaître ?
« Il ne faut pas les confondre avec les mouettes communes : on reconnaît les mouettes tridactyles à leur couleur blanche avec le bout des ailes très noir, leurs pattes noires assez petites et leur bec jaune. C’est le laridé – la famille des mouettes et des goélands – le plus abondant de l’hémisphère nord, occupant tout le domaine arctique et les régions côtières limitrophes des océans Atlantique et Pacifique. »
Est-ce une espèce menacée ?
« Oui. Ses effectifs sont estimés en 2015 à environ deux millions de couples en Europe et ont enregistré un spectaculaire déclin de 40 % en quarante ans, du fait de la raréfaction des ressources, de la mortalité des adultes, de la pollution des océans, des bouleversements climatiques… Cela en fait une espèce menacée, sans qu’elle soit, pour l’instant, devenue rare ».
Pourquoi sa situation à Boulogne est-elle exceptionnelle ?
« Tout d’abord notre agglomération appartient au club très fermé des quelques villes connues pour abriter en leur sein une colonie de cette espèce nichant habituellement en falaise. Ensuite cette colonie urbaine semble prospérer, à contresens de la démographie globalement déclinante de l’espèce. Enfin, cet oiseau des mers froides, dont le département du Pas-de-Calais détient plus de 60 % de la population française (sur les falaises du cap Blanc Nez et à Boulogne), se trouve chez nous au sud de son aire de vie, ce qui le désigne comme un indicateur potentiellement sensible aux changements climatiques ».
Comment expliquer cette population ?
« On ne peut pas totalement l’expliquer, mais bien sûr la situation du port de Boulogne avec la proximité de poissons à manger est favorable. Ces oiseaux arrivent souvent ici en venant de Belgique, d’Angleterre, de Suède ou du Danemark parce qu’ils n’ont plus assez de ressources pour manger à leur faim et qu’ils viennent chercher un site de nidification plus favorable. »
Pourtant, on n’en voit pas beaucoup en ce moment ?
« Pour l’heure, les jeunes mouettes et les adultes ont quitté leur nid pour passer plusieurs mois en mer, dans leur élément. Mais c’est le lot de tout oiseau marin pélagique (c’est-à-dire qui se nourrit en mer), est de revenir un jour à terre pour se reproduire. Elles seront de retour vers mars, et jusqu'à août. Nous devons nous représenter ces retours comme étant les périodes les plus trépidantes de la longue vie d’un oiseau marin. Outre la recherche du partenaire, la construction ou le renforcement du nid et l’élevage des jeunes, c’est aussi à terre que ces créatures taillées pour l’océan se trouvent exposées à la rencontre d’un prédateur. Il semblerait qu’à Boulogne-sur-Mer, toutes ces vicissitudes soient plus légères qu’ailleurs. »
Comment contribuer à les préserver ?
« D’abord en les faisant connaître. Après, les humains ne les dérangent pas particulièrement, à part s’ils développent de gros projets industriels sur les sites où elles ont l’habitude de nicher. Il y un aménagement en béton qui reproduit un peu le milieu naturel dans le port de Boulogne, on pourrait imaginer d’augmenter sa surface pour mieux les accueillir. »