Bassin Loubet, Boulogne-sur-Mer. Face au ballet incessant des véhicules de secours – a minima une trentaine – ce policier en renfort dans le Boulonnais préposé au respect du périmètre de sécurité, est un brin décontenancé : « Je n’ai jamais vu ça », lâche-t-il en ce mardi midi. Derrière lui, les corps de sept des douze exilés repêchés un peu plus tôt en Manche près du cap Gris-Nez, à plusieurs milles nautiques du bord (entre 5 et 8 km), sont recouverts de draps blancs. Le jeune policier n’est pas habitué. Au fond, personne ne se résout à ces cauchemars de l’exil se répétant à l’infini. Encore moins Axel Baheu du Murex, fileyeur-caseyeur du port de Boulogne, l’un des deux pêcheurs avec son homologue de la Bretonne, à avoir récupéré des exilés sans vie (trois pour le Murex, un pour la Bretonne). Le capitaine revoit encore « cette gamine d’à peine 15-20 ans », sortie de l’eau avec « son téléphone dans une pochette étanche qui ne faisait que sonner ». Samba, l’un des matelots du Murex originaire de Mauritanie, a fondu en larmes.
Six mineurs parmi les victimes
L’épilogue d’une traversée ayant viré au drame vers 11h, lorsque le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Gris-Nez, déclenchait une batterie de moyens : trois hélicoptères, un avion, deux patrouilleurs, quatre semi-rigides et un canot des sauveteurs en mer. À leur arrivée, les secours découvrent « un bateau dont il ne restait qu’un petit boudin à l’arrière, le reste était coulé », éclaire Gaëtan Baillet, pêcheur de la Bretonne. Moins de huit personnes, sur les 65 à bord, portaient un gilet de sauvetage. Pendant « environ quatre heures nous avons recherché d’éventuels autres disparus », glisse Régis Holy des sauveteurs en mer de Calais.
D’après le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, débarqué en express à Boulogne, « le bateau s’est sans doute affaissé sur lui-même ». Chahuté par des associations d’aide aux exilés criant leur colère à travers les grillages, le locataire de la place Beauvau rappelait la nécessité de rétablir une relation migratoire classique entre l’Union Européenne et les Britanniques (sous la forme d’un nouveau traité) et détaillait ensuite ces 12 victimes originaires de la Corne de l’Afrique (dix femmes et deux hommes) dont six mineurs. Deux personnes étaient toujours en urgence absolue ce mardi soir. Et pendant que la nuée de journalistes et de secouristes se dissipait, le compteur continuait de tourner. Depuis le 1er janvier, 37 personnes sont mortes dans la Manche.
Retrouvez cet article complet sur: