Nos falaises n’en finissent plus de s’effondrer et ce n’est pas fini, comme nous l’explique Pierre Bracq, chercheur universitaire

Partagé le 28/11/2023

Après l’affaissement d’une partie du chemin côtier au Cap Blanc-Nez, c’est un bout de falaise près du phare du Portel qui s’est décroché mercredi. Précédant de peu, une partie du sentier côtier menant au Cap Gris-Nez. Une érosion accélérée par les pluies diluviennes qui sont tombées sur le Pas-de-Calais, comme nous l’explique Pierre Bracq, hydrogéologue, maître de conférences à l’Université du Littoral Côte d'Opale ULCO.

Enseignant-chercheur et spécialiste des eaux souterraines, Pierre Bracq nous emmène au pied de la falaise du Blanc-Nez. C’est ici, que le 11 novembre dernier, un effondrement spectaculaire est survenu entre Escalles et Wissant, ainsi que des éboulements à Strouanne, petit hameau de Wissant.

"Le Blanc-Nez, c’est une falaise de craie qui se fait emporter petit à petit" explique le géologue. "Deux raisons qui entraînent son effondrement : les pluies et la mer."

L’érosion de la falaise, c’est un ruissellement permanent des eaux de pluie qui érodent les sols, infiltrent la roche de façon naturelle et régulière.

"Vous voyez dans la falaise, ces zones plus sombres, c’est la craie qui s’ouvre" nous indique Pierre Bracq. Tout le long de la falaise des fissures noires sont visibles à l’œil nu. "Elles annoncent des éboulements prochains."

Une craie ouverte va permettre à des blocs de se détacher un peu à la fois. "Malheureusement, on ne peut jamais prévoir ces effondrements, c’est pourquoi le Blanc nez reste un site très dangereux en permanence, les promeneurs sont invités à ne pas rester sous ces hauteurs de roches."

Ici, la roche est constamment en eau et on peut même voir ce que Pierre Bracq appelle "la nappe phréatique en coupe." 

«Regardez, sur toute la hauteur de la falaise, on distingue deux zones. La plus blanche, c’est la craie, la plus sombre, parsemée de verdure, c’est la nappe phréatique, toujours en eau. Lorsqu’il pleut, il y a saturation de la partie basse de la falaise. Elle lorsque cette eau gèle cela va agrandir les fissures et accélérer les effondrements."

L’eau va dissoudre la craie." Il n’y a pas que nos falaises du bord de mer qui risquent des effondrement" précise Pierre Bracq. " Il va aussi y en avoir à l’intérieur des terres. C’est ce que l’on appelle les phénomènes Karstiques. Certains types de roche vont être dissous par les infiltrations d’eau en masse, fragiliser le sol et provoquer des effondrements, des trous dans les sols."

C’est la formation bien connue des grottes et des cavernes où l’eau pénètre en profondeur, au gré des fissures et des fractures qu’elle élargit peu à peu en circulant. Notre territoire est un pays calcaire, "il n’est pas impossible que de tels phénomènes soient observés en raison des fortes pluies tombées ces dernières semaines."

L’érosion, c’est aussi l’attaque de la base de nos falaises par la mer, à coups de vagues.

"La mer attaque le pied de falaise. Elle la grignote par le bas, elle la creuse. Plusieurs éboulis se forment qui sont peu à peu évacués par les marées. Mais la mer va recreuser ce pied de la falaise qui, fragilisé par le haut et par le bas, va s’effondrer." Comme un cycle naturel qui recommence à l’infini.

Des morceaux de falaise qui se décrochent, cela existe sur le littoral depuis des siècles, on appelle cela le recul du trait de côte. Mais depuis quelques années, ce phénomène s’accélère et s’amplifie.

Le début d'une série d’éboulements

L’année dernière à Wimereux, 5 mètres de falaise se sont écroulés. À Audresselles, la plage du Noirda a également été touchée, puis Audinghen, au niveau du phare du Cap Gris-nez.

En septembre, un impressionnant éboulement a eu lieu à Mers-les-Bains, dans la Somme. Un immense pan de falaise s’est effondré, en face de la statue de Notre-Dame de la Falaise.

Mercredi 22 novembre, un éboulement s’est produit à quelques centaines de mètres du phare d’Alprech, le long du chemin côtier qui relie Le Portel à Équihen-Plage. Un sentier fortement fréquenté par les promeneurs et les randonneurs.

Un périmètre de sécurité délimite la zone, tout comme sur le sentier du littoral entre le Cran aux œufs et le cap Gris-Nez, qui est actuellement interdit d’accès, suite à l’affaissement d’un pont en bois.

Des conditions météo qui évoluent, le niveau de la mer qui monte et des pluies diluviennes qui s’installent, de quoi augmenter encore plus les risques géologiques.

En France, le Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, estime qu'un habitant sur quatre sera prochainement exposé aux risques d’inondation ou de submersion marine et par conséquent, au risque d’érosion.