A 4 heures du matin (heure française), il plonge dans les eaux à 15 degrés de la Manche. Direction la Côte d’Opale, 34km plus loin. Le sportif de Gond-Pontouvre n’en est pas à son coup d’essai : en mai, il avait atteint la plage des Minimes à La Rochelle (20km) depuis Fort Boyard en 6h09. A son compteur également : le défi des deux caps (Cap Gris-Nez – Cap Blanc-Nez) sur la Côte d’Opale. La Manche était une prouesse. C’est l’Everest. Après onze heures de natation et 30km, Enzo Bruno a dû décider d’abandonner. Pourtant, il se sentait bien. Il n’a jamais senti le vent tourner.
Quand le couperet est tombé, Enzo Bruno s’est demandé ce qui se passait. « Quand j’ai vu le symbole marquant la fin de la course, je me suis dit : ” Qu’est-ce qui se passe ? ” Je suis arrivé ? Par contre, je ne vois pas la côte’», raconte le nageur de 31 ans. Puis il a vu Arnaud Chassery, son entraîneur, avec la serviette. Il a compris que c’était la fin. “J’ai éclaté en sanglots. » Quelques heures plus tard, il relativise. « Nous ne pouvons rien faire contre la nature. Continuer aurait été dangereux et risqué. Les courants me déviaient vers la mer du Nord », explique Enzo qui a l’impression d’avancer vers son objectif. En fait, il est resté pratiquement immobile pendant deux heures. A 15 heures, il est récupéré par son staff et remonte à bord du bateau suiveur. Déçu mais sain et sauf.
Piqué par quatre méduses
Pourtant, Enzo Bruno a de quoi être fier. Onze heures de natation, 30km et la moitié de la traversée de la Manche validée car, emportée par les courants, il était impossible de parcourir les 34km en ligne droite. Le tout totalement privé de l’usage de ses jambes, avec un seul bras pleinement valide. Et la Manche ne l’a pas épargné. Tout au long de son voyage, il s’est battu contre les éléments. Il a été piqué au visage par quatre méduses. Il a enduré des démangeaisons et des sensations de choc électrique. Avec philosophie. «C’est le jeu quand on nage en eau libre», explique Enzo lors du premier bilan.